Les nouveaux monstres sacrés — Volume I

Captivant

2 juin 2025

Le « monstre sacré », le singulier, l’hors-norme devenu mythe, l’excessif vénéré. Celui qui dépasse le cadre, les époques, qui bouleverse, qui fascine. Il n’est ni saint, ni produit d’algorithmes. Il n’est pas le plus connu, ni le plus attendu, ni idole, ni génie. Pur fruit de travail, d’intensité, de vision, de présence, il surgit. Et souvent, il est français. Voici, sans objectivité mais avec fermeté, Les nouveaux monstres sacrés — Volume I.

J’aime le désuet. Alors, rien de mieux que l’oxymore qu’est « monstres sacrés » pour proposer une curation mensuelle ou trimestrielle (oui, on pas vraiment encore fixé sur la fréquence). Apparue au XXe siècle, empruntée du théâtre, l’expression désignait les acteurs est actrices au talent exceptionnel, à l’intouchable, celui qui nous laisse béat par sa discipline, son travail, et enfin, son talent. Qui suis-je pour ériger des monstres sacrés ? Personne. Ou plutôt, quelqu’un d’assez fatigué des listes froides de recommandations culturelles pour oser la sienne, personnelle, subjective, probablement bancale — mais sincère. Tous m’ont brûlé, tous m’ont marqué, tous me font perdre mes repères et me ramènent au sublime (dont nous parlerons bientôt).

Vincent Chansard, l’animateur accusé d’en faire trop

Coutumier des productions japonaises, c’est pourtant Vincent Chansard qui m’a donné la fibre One Piece dans sa déclinaison animée. Je regarde tant certains animés pour leur histoire, tant d’autres pour la seule beauté de l’animation, pour ce qu’elle me fait ressentir, dans sa fluidité, dans ses enjeux, dans ses couleurs. Les fans de l’oeuvre me tueraient s’ils me lisaient (ils ont la dent dure). Mais je l’avoue, je me suis abstenu de regarder des centaines d’épisodes de One Piece pour reprendre le train en 2022 autour de l’épisode 1000, quelques temps après l’arrivée de Vincent Chansard dans l’équation et la « modernisation » de l’oeuvre (style graphique et animation). En vérité, c’est bien plus tard que j’entendrais son nom, sa nationalité française, après avoir été subjugué par ses séquences d’animation exceptionnelles dignes d’une superproduction.

Formé aux Gobelins à Paris, l’une des meilleures écoles d’animation du monde, Vincent Chansard est l’un des rares à avoir intégré les grandes productions japonaises (Mob Psycho 100, Jujutsu Kaisen, My Hero Academia, Fate/Grand Order, Jujutsu Kaisen, Persona 3, Boruto…), une prouesse pour un non-japonais. Reconnu pour sa nervosité, la puissance de ses effets de caméra — parfois trop brouillons, avouons-le — et son sens du rythme, il est aussi accusé par certains fans d’animation d’en « faire trop » quitte à dénaturer les oeuvres (One Piece est à l’origine un manga papier). Pourtant, chaque scène dont il est l’auteur m’a apporté son lot de frissons. Si la France comme le Japon sont mondialement connus pour leur expertise en animation, Vincent Chansard vient faire le pont entre l’excellence française et la rigueur japonaise. Il apporte un souffle occidental, plus vivant, plus fluide, « loose », plus audacieux et aussi parfois brut à un système nippon qui stagne depuis des années.

Sandfall Interactive, le nouveau petit géant

Avril 2025, ce petit studio montpelliérain d’une trentaine de personnes prend par surprise, moi y compris, tout le monde avec ce qui devait être un jeu sans prétention : Clair Obscur: Expedition 33. Présenté en 2024, j’y crois bof. La proposition graphique semblait trop audacieuse, les animations des personnages trop brutes, le système au tour par tour ennuyeux. Et pourtant. Comment un studio français peut-il, avec un premier jeu, rivaliser avec les superproductions AAA (comprendre gros budget) internationales ? Le secret tient dans une approche artisanale, narrative, musicale, ludique, mature : faire du jeu vidéo un art complet et total — à la française.

La proposition intègre une bande originale saluée unanimement, une direction artistique sombre à la croisée de la Belle Époque et du steampunk, une narration maîtrisée et novatrice, un gameplay qui rassemble toutes les meilleures idées des précédentes décennies dans un genre boudé par les développeurs de jeux vidéo : le tour par tour. Enfin, une ambition démesurée.

Sandfall Interactive est parvenu à donner de l’âme à son oeuvre, par tous les moyens, et bouleverse les attentes d’un secteur dominé par les tendances anglo-saxonnes. Puisqu’il s’agit bien d’âme dont on parle ici. Les jeux contemporains peinent à être mémorables en raison de propositions créés sur la base d’un cahier des charges commun : un monde ouvert, des quêtes secondaires, une myriade de choses à faire pour faire penser au public cible qu’il en a pour son argent. En résulte une aseptisation générale avec des dizaines de jeux insipides au budget gonflé, aux mécaniques de gameplay identiques, y compris dans l’hexagone avec une série Assassin’s Creed qui peine à innover.

Sandfall Interactive et ses collaborateurs ont décidé de faire de l’art pour soi, parce que ça fait du bien, parce que ça rend fier, avant de penser cahier des charges. Clair Obscur: Expedition 33 n’est pas là pour être populaire, ni viral, il est là pour proposer quelque chose, une morceau de l’âme de ses créateurs, elle seule vectrice d’émotion. Et si ça fonctionne, tant mieux. 

Depuis petit je parcoure les mondes virtuels avec passion. Et c’est probablement la première fois que je me retrouve tant immergé, comme au au cinéma, devant un jeu vidéo. Puisque tout au long de mon aventure, ces personnages, je m’y suis attaché, ce monde, j’y ai cru, et ces musiques m’ont émues. Cette fraîcheur, ce renouveau, qui remportera sans aucun doute le prix du meilleur jeu de l’année en décembre prochain, interroge toute une industrie sur la place et l’importance de l’âme dans le jeu vidéo, une industrie parasitée par le burn-out et le mauvais goût. Bravo Montpellier. 

Jeux Olympiques de Paris 2024, la mémoire de l'utopie

Les JO n’ont rien d’un monstre sacré, mais ont su rassembler l’ultime savoir-faire français. On les connaît tous : Tony Estanguet, Thomas Jolly, Victor Le Masne, Daphné Bürki, Maud Le Pladec, ainsi que les milliers de petites mains derrière ce projet pharaonique. Ils ont su faire briller Paris et la France  — avouons-le, bien plus qu’on aurait pu l’imaginer, et surtout bien au-delà de la réalité — dans un chant du cygne remarquable de tout ce que le pays a apporté et a à apporter.  

Parce qu’il fallait être là, en France, voir l’intégralité de la population changer de veste plus vite que son ombre, le choc, l’effroi d’une réussite mondiale, digne d’un des pays les plus développés du monde qui n’a absolument rien à rougir face à un Pékin 2008. Après des semaines politiquement moroses et emplies de mauvaises nouvelles.

Parce qu’il fallait être là, à la télévision, voir cette cérémonie qui a réussi l’exploit de parler du pays mais aussi de ses minorités.

Parce qu’il fallait être là, dans les rues de Paris, voir les milliers de sourire, y compris des forces de l’ordre.

Parce qu’il fallait être là, dans les stades, avec une organisation hors pair, des habillements pleins de goûts, des goodies qui rendent heureux et s’arrachent, une chaleur réconfortante, un monde où tout va bien. 

Parce qu’il fallait être là pour découvrir le chef d’oeuvre qu’est l’oeuvre musicale de Victor Le Masne, notamment Parade, Synchronicity, Avant un rêve, Higher, Infinite, The End. Album qui m’accompagne toujours au quotidien dans mes séances de sport.

Parce qu’il fallait être là, cet été-là, où nous étions tous rivés sur France Télévisions & HBO Max pour encourager nos équipes et découvrir des sports inconnus au bataillon.

Parce qu’il fallait être là, pour voir une France forte, généreuse, artistique, sportive, inclusive. Une France qui espérons-le, reviendra.

Ces Jeux Olympiques m’ont transcendé, m’ont rappelé le savoir-faire, la maîtrise, l’ambition collective d’un pays qui s’est perdu, et ne s’est toujours pas retrouvé en 2025. Un pays que je rejetais pour privilégier le monde anglo-saxon, sa mode, sa langue, son humour. Paris 2024 est ma nouvelle madeleine de Proust, mon nouvel empire romain, pour ne pas citer un meme désuet.

Oui, Paris 2024 était une illusion, un moment hors du temps, loin des problèmes économiques, politiques et sociaux (sic). Mais il fait bon parfois, de s’autoriser une douce illusion, et ce pays en est maître.

Image à la Une : Arnold Böcklin - L’Île des Morts

J’aime le désuet. Alors, rien de mieux que l’oxymore qu’est « monstres sacrés » pour proposer une curation mensuelle ou trimestrielle (oui, on pas vraiment encore fixé sur la fréquence). Apparue au XXe siècle, empruntée du théâtre, l’expression désignait les acteurs est actrices au talent exceptionnel, à l’intouchable, celui qui nous laisse béat par sa discipline, son travail, et enfin, son talent. Qui suis-je pour ériger des monstres sacrés ? Personne. Ou plutôt, quelqu’un d’assez fatigué des listes froides de recommandations culturelles pour oser la sienne, personnelle, subjective, probablement bancale — mais sincère. Tous m’ont brûlé, tous m’ont marqué, tous me font perdre mes repères et me ramènent au sublime (dont nous parlerons bientôt).

Vincent Chansard, l’animateur accusé d’en faire trop

Coutumier des productions japonaises, c’est pourtant Vincent Chansard qui m’a donné la fibre One Piece dans sa déclinaison animée. Je regarde tant certains animés pour leur histoire, tant d’autres pour la seule beauté de l’animation, pour ce qu’elle me fait ressentir, dans sa fluidité, dans ses enjeux, dans ses couleurs. Les fans de l’oeuvre me tueraient s’ils me lisaient (ils ont la dent dure). Mais je l’avoue, je me suis abstenu de regarder des centaines d’épisodes de One Piece pour reprendre le train en 2022 autour de l’épisode 1000, quelques temps après l’arrivée de Vincent Chansard dans l’équation et la « modernisation » de l’oeuvre (style graphique et animation). En vérité, c’est bien plus tard que j’entendrais son nom, sa nationalité française, après avoir été subjugué par ses séquences d’animation exceptionnelles dignes d’une superproduction.

Formé aux Gobelins à Paris, l’une des meilleures écoles d’animation du monde, Vincent Chansard est l’un des rares à avoir intégré les grandes productions japonaises (Mob Psycho 100, Jujutsu Kaisen, My Hero Academia, Fate/Grand Order, Jujutsu Kaisen, Persona 3, Boruto…), une prouesse pour un non-japonais. Reconnu pour sa nervosité, la puissance de ses effets de caméra — parfois trop brouillons, avouons-le — et son sens du rythme, il est aussi accusé par certains fans d’animation d’en « faire trop » quitte à dénaturer les oeuvres (One Piece est à l’origine un manga papier). Pourtant, chaque scène dont il est l’auteur m’a apporté son lot de frissons. Si la France comme le Japon sont mondialement connus pour leur expertise en animation, Vincent Chansard vient faire le pont entre l’excellence française et la rigueur japonaise. Il apporte un souffle occidental, plus vivant, plus fluide, « loose », plus audacieux et aussi parfois brut à un système nippon qui stagne depuis des années.

Sandfall Interactive, le nouveau petit géant

Avril 2025, ce petit studio montpelliérain d’une trentaine de personnes prend par surprise, moi y compris, tout le monde avec ce qui devait être un jeu sans prétention : Clair Obscur: Expedition 33. Présenté en 2024, j’y crois bof. La proposition graphique semblait trop audacieuse, les animations des personnages trop brutes, le système au tour par tour ennuyeux. Et pourtant. Comment un studio français peut-il, avec un premier jeu, rivaliser avec les superproductions AAA (comprendre gros budget) internationales ? Le secret tient dans une approche artisanale, narrative, musicale, ludique, mature : faire du jeu vidéo un art complet et total — à la française.

La proposition intègre une bande originale saluée unanimement, une direction artistique sombre à la croisée de la Belle Époque et du steampunk, une narration maîtrisée et novatrice, un gameplay qui rassemble toutes les meilleures idées des précédentes décennies dans un genre boudé par les développeurs de jeux vidéo : le tour par tour. Enfin, une ambition démesurée.

Sandfall Interactive est parvenu à donner de l’âme à son oeuvre, par tous les moyens, et bouleverse les attentes d’un secteur dominé par les tendances anglo-saxonnes. Puisqu’il s’agit bien d’âme dont on parle ici. Les jeux contemporains peinent à être mémorables en raison de propositions créés sur la base d’un cahier des charges commun : un monde ouvert, des quêtes secondaires, une myriade de choses à faire pour faire penser au public cible qu’il en a pour son argent. En résulte une aseptisation générale avec des dizaines de jeux insipides au budget gonflé, aux mécaniques de gameplay identiques, y compris dans l’hexagone avec une série Assassin’s Creed qui peine à innover.

Sandfall Interactive et ses collaborateurs ont décidé de faire de l’art pour soi, parce que ça fait du bien, parce que ça rend fier, avant de penser cahier des charges. Clair Obscur: Expedition 33 n’est pas là pour être populaire, ni viral, il est là pour proposer quelque chose, une morceau de l’âme de ses créateurs, elle seule vectrice d’émotion. Et si ça fonctionne, tant mieux. 

Depuis petit je parcoure les mondes virtuels avec passion. Et c’est probablement la première fois que je me retrouve tant immergé, comme au au cinéma, devant un jeu vidéo. Puisque tout au long de mon aventure, ces personnages, je m’y suis attaché, ce monde, j’y ai cru, et ces musiques m’ont émues. Cette fraîcheur, ce renouveau, qui remportera sans aucun doute le prix du meilleur jeu de l’année en décembre prochain, interroge toute une industrie sur la place et l’importance de l’âme dans le jeu vidéo, une industrie parasitée par le burn-out et le mauvais goût. Bravo Montpellier. 

Jeux Olympiques de Paris 2024, la mémoire de l'utopie

Les JO n’ont rien d’un monstre sacré, mais ont su rassembler l’ultime savoir-faire français. On les connaît tous : Tony Estanguet, Thomas Jolly, Victor Le Masne, Daphné Bürki, Maud Le Pladec, ainsi que les milliers de petites mains derrière ce projet pharaonique. Ils ont su faire briller Paris et la France  — avouons-le, bien plus qu’on aurait pu l’imaginer, et surtout bien au-delà de la réalité — dans un chant du cygne remarquable de tout ce que le pays a apporté et a à apporter.  

Parce qu’il fallait être là, en France, voir l’intégralité de la population changer de veste plus vite que son ombre, le choc, l’effroi d’une réussite mondiale, digne d’un des pays les plus développés du monde qui n’a absolument rien à rougir face à un Pékin 2008. Après des semaines politiquement moroses et emplies de mauvaises nouvelles.

Parce qu’il fallait être là, à la télévision, voir cette cérémonie qui a réussi l’exploit de parler du pays mais aussi de ses minorités.

Parce qu’il fallait être là, dans les rues de Paris, voir les milliers de sourire, y compris des forces de l’ordre.

Parce qu’il fallait être là, dans les stades, avec une organisation hors pair, des habillements pleins de goûts, des goodies qui rendent heureux et s’arrachent, une chaleur réconfortante, un monde où tout va bien. 

Parce qu’il fallait être là pour découvrir le chef d’oeuvre qu’est l’oeuvre musicale de Victor Le Masne, notamment Parade, Synchronicity, Avant un rêve, Higher, Infinite, The End. Album qui m’accompagne toujours au quotidien dans mes séances de sport.

Parce qu’il fallait être là, cet été-là, où nous étions tous rivés sur France Télévisions & HBO Max pour encourager nos équipes et découvrir des sports inconnus au bataillon.

Parce qu’il fallait être là, pour voir une France forte, généreuse, artistique, sportive, inclusive. Une France qui espérons-le, reviendra.

Ces Jeux Olympiques m’ont transcendé, m’ont rappelé le savoir-faire, la maîtrise, l’ambition collective d’un pays qui s’est perdu, et ne s’est toujours pas retrouvé en 2025. Un pays que je rejetais pour privilégier le monde anglo-saxon, sa mode, sa langue, son humour. Paris 2024 est ma nouvelle madeleine de Proust, mon nouvel empire romain, pour ne pas citer un meme désuet.

Oui, Paris 2024 était une illusion, un moment hors du temps, loin des problèmes économiques, politiques et sociaux (sic). Mais il fait bon parfois, de s’autoriser une douce illusion, et ce pays en est maître.

Image à la Une : Arnold Böcklin - L’Île des Morts

J’aime le désuet. Alors, rien de mieux que l’oxymore qu’est « monstres sacrés » pour proposer une curation mensuelle ou trimestrielle (oui, on pas vraiment encore fixé sur la fréquence). Apparue au XXe siècle, empruntée du théâtre, l’expression désignait les acteurs est actrices au talent exceptionnel, à l’intouchable, celui qui nous laisse béat par sa discipline, son travail, et enfin, son talent. Qui suis-je pour ériger des monstres sacrés ? Personne. Ou plutôt, quelqu’un d’assez fatigué des listes froides de recommandations culturelles pour oser la sienne, personnelle, subjective, probablement bancale — mais sincère. Tous m’ont brûlé, tous m’ont marqué, tous me font perdre mes repères et me ramènent au sublime (dont nous parlerons bientôt).

Vincent Chansard, l’animateur accusé d’en faire trop

Coutumier des productions japonaises, c’est pourtant Vincent Chansard qui m’a donné la fibre One Piece dans sa déclinaison animée. Je regarde tant certains animés pour leur histoire, tant d’autres pour la seule beauté de l’animation, pour ce qu’elle me fait ressentir, dans sa fluidité, dans ses enjeux, dans ses couleurs. Les fans de l’oeuvre me tueraient s’ils me lisaient (ils ont la dent dure). Mais je l’avoue, je me suis abstenu de regarder des centaines d’épisodes de One Piece pour reprendre le train en 2022 autour de l’épisode 1000, quelques temps après l’arrivée de Vincent Chansard dans l’équation et la « modernisation » de l’oeuvre (style graphique et animation). En vérité, c’est bien plus tard que j’entendrais son nom, sa nationalité française, après avoir été subjugué par ses séquences d’animation exceptionnelles dignes d’une superproduction.

Formé aux Gobelins à Paris, l’une des meilleures écoles d’animation du monde, Vincent Chansard est l’un des rares à avoir intégré les grandes productions japonaises (Mob Psycho 100, Jujutsu Kaisen, My Hero Academia, Fate/Grand Order, Jujutsu Kaisen, Persona 3, Boruto…), une prouesse pour un non-japonais. Reconnu pour sa nervosité, la puissance de ses effets de caméra — parfois trop brouillons, avouons-le — et son sens du rythme, il est aussi accusé par certains fans d’animation d’en « faire trop » quitte à dénaturer les oeuvres (One Piece est à l’origine un manga papier). Pourtant, chaque scène dont il est l’auteur m’a apporté son lot de frissons. Si la France comme le Japon sont mondialement connus pour leur expertise en animation, Vincent Chansard vient faire le pont entre l’excellence française et la rigueur japonaise. Il apporte un souffle occidental, plus vivant, plus fluide, « loose », plus audacieux et aussi parfois brut à un système nippon qui stagne depuis des années.

Sandfall Interactive, le nouveau petit géant

Avril 2025, ce petit studio montpelliérain d’une trentaine de personnes prend par surprise, moi y compris, tout le monde avec ce qui devait être un jeu sans prétention : Clair Obscur: Expedition 33. Présenté en 2024, j’y crois bof. La proposition graphique semblait trop audacieuse, les animations des personnages trop brutes, le système au tour par tour ennuyeux. Et pourtant. Comment un studio français peut-il, avec un premier jeu, rivaliser avec les superproductions AAA (comprendre gros budget) internationales ? Le secret tient dans une approche artisanale, narrative, musicale, ludique, mature : faire du jeu vidéo un art complet et total — à la française.

La proposition intègre une bande originale saluée unanimement, une direction artistique sombre à la croisée de la Belle Époque et du steampunk, une narration maîtrisée et novatrice, un gameplay qui rassemble toutes les meilleures idées des précédentes décennies dans un genre boudé par les développeurs de jeux vidéo : le tour par tour. Enfin, une ambition démesurée.

Sandfall Interactive est parvenu à donner de l’âme à son oeuvre, par tous les moyens, et bouleverse les attentes d’un secteur dominé par les tendances anglo-saxonnes. Puisqu’il s’agit bien d’âme dont on parle ici. Les jeux contemporains peinent à être mémorables en raison de propositions créés sur la base d’un cahier des charges commun : un monde ouvert, des quêtes secondaires, une myriade de choses à faire pour faire penser au public cible qu’il en a pour son argent. En résulte une aseptisation générale avec des dizaines de jeux insipides au budget gonflé, aux mécaniques de gameplay identiques, y compris dans l’hexagone avec une série Assassin’s Creed qui peine à innover.

Sandfall Interactive et ses collaborateurs ont décidé de faire de l’art pour soi, parce que ça fait du bien, parce que ça rend fier, avant de penser cahier des charges. Clair Obscur: Expedition 33 n’est pas là pour être populaire, ni viral, il est là pour proposer quelque chose, une morceau de l’âme de ses créateurs, elle seule vectrice d’émotion. Et si ça fonctionne, tant mieux. 

Depuis petit je parcoure les mondes virtuels avec passion. Et c’est probablement la première fois que je me retrouve tant immergé, comme au au cinéma, devant un jeu vidéo. Puisque tout au long de mon aventure, ces personnages, je m’y suis attaché, ce monde, j’y ai cru, et ces musiques m’ont émues. Cette fraîcheur, ce renouveau, qui remportera sans aucun doute le prix du meilleur jeu de l’année en décembre prochain, interroge toute une industrie sur la place et l’importance de l’âme dans le jeu vidéo, une industrie parasitée par le burn-out et le mauvais goût. Bravo Montpellier. 

Jeux Olympiques de Paris 2024, la mémoire de l'utopie

Les JO n’ont rien d’un monstre sacré, mais ont su rassembler l’ultime savoir-faire français. On les connaît tous : Tony Estanguet, Thomas Jolly, Victor Le Masne, Daphné Bürki, Maud Le Pladec, ainsi que les milliers de petites mains derrière ce projet pharaonique. Ils ont su faire briller Paris et la France  — avouons-le, bien plus qu’on aurait pu l’imaginer, et surtout bien au-delà de la réalité — dans un chant du cygne remarquable de tout ce que le pays a apporté et a à apporter.  

Parce qu’il fallait être là, en France, voir l’intégralité de la population changer de veste plus vite que son ombre, le choc, l’effroi d’une réussite mondiale, digne d’un des pays les plus développés du monde qui n’a absolument rien à rougir face à un Pékin 2008. Après des semaines politiquement moroses et emplies de mauvaises nouvelles.

Parce qu’il fallait être là, à la télévision, voir cette cérémonie qui a réussi l’exploit de parler du pays mais aussi de ses minorités.

Parce qu’il fallait être là, dans les rues de Paris, voir les milliers de sourire, y compris des forces de l’ordre.

Parce qu’il fallait être là, dans les stades, avec une organisation hors pair, des habillements pleins de goûts, des goodies qui rendent heureux et s’arrachent, une chaleur réconfortante, un monde où tout va bien. 

Parce qu’il fallait être là pour découvrir le chef d’oeuvre qu’est l’oeuvre musicale de Victor Le Masne, notamment Parade, Synchronicity, Avant un rêve, Higher, Infinite, The End. Album qui m’accompagne toujours au quotidien dans mes séances de sport.

Parce qu’il fallait être là, cet été-là, où nous étions tous rivés sur France Télévisions & HBO Max pour encourager nos équipes et découvrir des sports inconnus au bataillon.

Parce qu’il fallait être là, pour voir une France forte, généreuse, artistique, sportive, inclusive. Une France qui espérons-le, reviendra.

Ces Jeux Olympiques m’ont transcendé, m’ont rappelé le savoir-faire, la maîtrise, l’ambition collective d’un pays qui s’est perdu, et ne s’est toujours pas retrouvé en 2025. Un pays que je rejetais pour privilégier le monde anglo-saxon, sa mode, sa langue, son humour. Paris 2024 est ma nouvelle madeleine de Proust, mon nouvel empire romain, pour ne pas citer un meme désuet.

Oui, Paris 2024 était une illusion, un moment hors du temps, loin des problèmes économiques, politiques et sociaux (sic). Mais il fait bon parfois, de s’autoriser une douce illusion, et ce pays en est maître.

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