La « novlangue » des élites médiatiques : écrire pour briller, pas pour être compris

Cinglant

2 juin 2025

James Ensor - L'Intrigue
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Novlangue (sic), kafkaïen, CICE, CSG, flat tax, hubris, némésis, nihilisme, signal faible, corps intermédiaire, manichéen, wokisme, intersectionnel, exogène, cancel culture, technocratie… Il y a ceux qui écrivent pour briller plutôt que d’être compris. Puis il y a les autres journalistes, ceux qui ont oublié leur déformation professionnelle, leur classe sociale et surtout : à qui ils s’adressent.

Le terme « novlangue », emprunté à George Orwell dans 1984, désigne à l’origine une langue appauvrie, conçue pour empêcher la pensée critique. Ici, on l’emploie de manière détournée pour parler d’un langage élitiste, souvent jargonneux, qui complexifie au lieu d’éclairer — et qui exclut plutôt qu’il ne rassemble.

« Une dépense kafkaïenne qui ne le concerne nullement »

Ces mots, ceux du journaliste made in TF1 Gilles Bouleau, sont adressés à Emmanuel Macron à l’occasion de l’émission Emmanuel Macron - Les défis de la France. Le contexte est d’un ennui mortel, mais le voici : Christian, commerçant parisien, s’exaspère de « crouler sous les taxes », notamment en raison d’une taxe « financement au dialogue social » de 150€. Il se plaint (surprenant), puisqu’il n’a pas de salariés et avec le nombre de grèves en France franchement, blablabla — gnagnagna. Classique.

Bref, cette expression « dépense kafkaïenne » d’un lyrisme désuet et inutile, mes parents n’auraient absolument aucune idée de quoi il s’agit. Déjà parce que mes parents, comme moi, sommes issus de la classe ouvrière. Et c’est là que j’ai tiqué. Aussi, parce que de nos jours presque plus personne ne sait qui est Kafka, sauf peut-être « ah oui, cet écrivain là » (l’un des plus glauques d’entre eux). Avec le contexte, on se doute éventuellement qu’il s’agit d’une dépense qui n’a aucune explication logique, est oppressive et absurde, tout comme le sont les oeuvres de notre cher Franz. Bon, intéressez-vous deux minutes à Kafka et son oeuvre pour comprendre à quel point Gilles Bouleau était un chouilla dramatique pour 150€. Les médias prétendent donc parler à tous, mais dans les faits, ils s’adressent souvent à une classe qui maîtrise les bons codes culturels, les bons mots, les bons concepts de manière très souvent involontaire.

Un vocabulaire excluant pour une grande partie de la population

Surtout, ça m’a renvoyé à mon arrivée dans l’univers des médias autour de 2017, en tant que rédacteur, aspirant journalistique (c’est légèrement parti en vrille depuis). Issu d’un milieu populaire, on m’a très rapidement fait remarquer ma méconnaissance des codes ou du vocabulaire. Signaux faibles, prospective, disruption, friction, pugilat, récit collectif, anthropocène… Sur le papier, ça fait sérieux. En réalité, ça n’a rien de bien compliqué. Mais ces petits mots sont-ils expliqués ? Jamais. 

Quand on ne comprend pas, on ose rarement dire quelque chose par ego ou pas peur. Je n’étais que stagiaire. Je me suis donc rapidement adapté, j’ai embrassé ces mots, ce langage douteux compris par quelques happy fews (premier franglais de l’article, on se retrouve au deuxième). Je me permettais parfois quelques remarques auprès des journalistes (puisque je relisais), leur signifiant un article inaccessible, illisible en raison d’abus de style ou de « show off » (manifestation de soi dénuée de toute trace de modestie, en franglais, franglais dont on parlera bientôt no worries). Rarement m’a-t-on répondu : « Tu as raison, j’abuse ». Ces mots, souvent compliqués pour n urien, m’ont ensuite suivis dans l’intégralité des médias pour lesquels j’ai bossé. Quelle exaspération. Alors oui, on ne va pas appauvrir la langue pour que les classes populaires nous comprennent. Mais lorsqu’il s’agit de l’interview du président de la République, excusez du peu. Bien sûr, certains journalistes font de véritables efforts de pédagogie, de clarté ou d’inclusion. Mais ils restent minoritaires, ou cantonnés à des formats dits « alternatifs ». Ce sont plutôt les médias dominants qui, sans y penser, continuent de parler entre eux.

Je suis convaincu que ce vocabulaire est l’une des raisons derrière la perte de confiance d’une partie de la population envers les médias, d’un certain sentiment d’exclusion, parmi tant d’autres. Parce qu’utiliser un vocabulaire précis dans des mondes fermés tels que la justice, le bâtiment, le marketing et la communication, pourquoi pas. On parle ici de politique et de dialogue social. Pourquoi Hugo Décrypte ? Hugo Clément ? Pourquoi les « solo journalistes » (qui ne sont jamais solo, précisons), les vulgarisateurs, gagnent du terrain dans le monde de l’information ? Pourquoi ce nouveau règne ? Parce qu’ils sont faciles à comprendre, parce qu’il est facile de s’y identifier, parce qu’ils sont proches de nous, sont nos égaux — ou nous font croire que.

Les politiques, eux, ont tout compris

Emmanuel Macron ne s’en cache plus : « Le carburant, c'est pas bibi. », « On met un pognon de dingue dans les minimas sociaux. », « Qu’ils viennent me chercher. », « Certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d’aller regarder s’ils peuvent avoir un poste. », « Ils n’ont qu’à traverser la rue »… Mélenchon, son envolée « La République, c’est moi » et ses références à la pop culture (manga, séries, films) non plus, et encore moins Marine Le Pen avec son vocabulaire accessible (école, sécurité, famille, retraite, frontières) et très émotionnel (peur, justice, trahison, bon sens)… Et pour ne pas tous les citer : François Hollande et son autodérision, sa présidence normale, Laurent Wauquiez et ses idées saugrenues et infaisables… Il y a de quoi faire si on y porte attention. J’ai cherché des petits mots popu chez Édouard Philippe ou Dominique de Villepin, pas encore trouvé — ça a l’air de leur réussir ?

Le contraste est tout cas frappant : les politiques feignent de tirer leur langue « vers le bas » alors que les journalistes la tirent « vers le haut ». Magiquement, ça ne réussit à aucun des deux systèmes. Mais les politiques ont l’intelligence d’osciller leur vocabulaire selon l’audience à laquelle ils s’adressent. Les journalistes, eux, ne semblent pas savoir à qui ils s’adressent, estiment s’adresser à tout le monde, mais ne s’adressent finalement qu’à eux-mêmes.

Image à la Une : James Ensor - L'Intrigue

Le terme « novlangue », emprunté à George Orwell dans 1984, désigne à l’origine une langue appauvrie, conçue pour empêcher la pensée critique. Ici, on l’emploie de manière détournée pour parler d’un langage élitiste, souvent jargonneux, qui complexifie au lieu d’éclairer — et qui exclut plutôt qu’il ne rassemble.

« Une dépense kafkaïenne qui ne le concerne nullement »

Ces mots, ceux du journaliste made in TF1 Gilles Bouleau, sont adressés à Emmanuel Macron à l’occasion de l’émission Emmanuel Macron - Les défis de la France. Le contexte est d’un ennui mortel, mais le voici : Christian, commerçant parisien, s’exaspère de « crouler sous les taxes », notamment en raison d’une taxe « financement au dialogue social » de 150€. Il se plaint (surprenant), puisqu’il n’a pas de salariés et avec le nombre de grèves en France franchement, blablabla — gnagnagna. Classique.

Bref, cette expression « dépense kafkaïenne » d’un lyrisme désuet et inutile, mes parents n’auraient absolument aucune idée de quoi il s’agit. Déjà parce que mes parents, comme moi, sommes issus de la classe ouvrière. Et c’est là que j’ai tiqué. Aussi, parce que de nos jours presque plus personne ne sait qui est Kafka, sauf peut-être « ah oui, cet écrivain là » (l’un des plus glauques d’entre eux). Avec le contexte, on se doute éventuellement qu’il s’agit d’une dépense qui n’a aucune explication logique, est oppressive et absurde, tout comme le sont les oeuvres de notre cher Franz. Bon, intéressez-vous deux minutes à Kafka et son oeuvre pour comprendre à quel point Gilles Bouleau était un chouilla dramatique pour 150€. Les médias prétendent donc parler à tous, mais dans les faits, ils s’adressent souvent à une classe qui maîtrise les bons codes culturels, les bons mots, les bons concepts de manière très souvent involontaire.

Un vocabulaire excluant pour une grande partie de la population

Surtout, ça m’a renvoyé à mon arrivée dans l’univers des médias autour de 2017, en tant que rédacteur, aspirant journalistique (c’est légèrement parti en vrille depuis). Issu d’un milieu populaire, on m’a très rapidement fait remarquer ma méconnaissance des codes ou du vocabulaire. Signaux faibles, prospective, disruption, friction, pugilat, récit collectif, anthropocène… Sur le papier, ça fait sérieux. En réalité, ça n’a rien de bien compliqué. Mais ces petits mots sont-ils expliqués ? Jamais. 

Quand on ne comprend pas, on ose rarement dire quelque chose par ego ou pas peur. Je n’étais que stagiaire. Je me suis donc rapidement adapté, j’ai embrassé ces mots, ce langage douteux compris par quelques happy fews (premier franglais de l’article, on se retrouve au deuxième). Je me permettais parfois quelques remarques auprès des journalistes (puisque je relisais), leur signifiant un article inaccessible, illisible en raison d’abus de style ou de « show off » (manifestation de soi dénuée de toute trace de modestie, en franglais, franglais dont on parlera bientôt no worries). Rarement m’a-t-on répondu : « Tu as raison, j’abuse ». Ces mots, souvent compliqués pour n urien, m’ont ensuite suivis dans l’intégralité des médias pour lesquels j’ai bossé. Quelle exaspération. Alors oui, on ne va pas appauvrir la langue pour que les classes populaires nous comprennent. Mais lorsqu’il s’agit de l’interview du président de la République, excusez du peu. Bien sûr, certains journalistes font de véritables efforts de pédagogie, de clarté ou d’inclusion. Mais ils restent minoritaires, ou cantonnés à des formats dits « alternatifs ». Ce sont plutôt les médias dominants qui, sans y penser, continuent de parler entre eux.

Je suis convaincu que ce vocabulaire est l’une des raisons derrière la perte de confiance d’une partie de la population envers les médias, d’un certain sentiment d’exclusion, parmi tant d’autres. Parce qu’utiliser un vocabulaire précis dans des mondes fermés tels que la justice, le bâtiment, le marketing et la communication, pourquoi pas. On parle ici de politique et de dialogue social. Pourquoi Hugo Décrypte ? Hugo Clément ? Pourquoi les « solo journalistes » (qui ne sont jamais solo, précisons), les vulgarisateurs, gagnent du terrain dans le monde de l’information ? Pourquoi ce nouveau règne ? Parce qu’ils sont faciles à comprendre, parce qu’il est facile de s’y identifier, parce qu’ils sont proches de nous, sont nos égaux — ou nous font croire que.

Les politiques, eux, ont tout compris

Emmanuel Macron ne s’en cache plus : « Le carburant, c'est pas bibi. », « On met un pognon de dingue dans les minimas sociaux. », « Qu’ils viennent me chercher. », « Certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d’aller regarder s’ils peuvent avoir un poste. », « Ils n’ont qu’à traverser la rue »… Mélenchon, son envolée « La République, c’est moi » et ses références à la pop culture (manga, séries, films) non plus, et encore moins Marine Le Pen avec son vocabulaire accessible (école, sécurité, famille, retraite, frontières) et très émotionnel (peur, justice, trahison, bon sens)… Et pour ne pas tous les citer : François Hollande et son autodérision, sa présidence normale, Laurent Wauquiez et ses idées saugrenues et infaisables… Il y a de quoi faire si on y porte attention. J’ai cherché des petits mots popu chez Édouard Philippe ou Dominique de Villepin, pas encore trouvé — ça a l’air de leur réussir ?

Le contraste est tout cas frappant : les politiques feignent de tirer leur langue « vers le bas » alors que les journalistes la tirent « vers le haut ». Magiquement, ça ne réussit à aucun des deux systèmes. Mais les politiques ont l’intelligence d’osciller leur vocabulaire selon l’audience à laquelle ils s’adressent. Les journalistes, eux, ne semblent pas savoir à qui ils s’adressent, estiment s’adresser à tout le monde, mais ne s’adressent finalement qu’à eux-mêmes.

Image à la Une : James Ensor - L'Intrigue

Le terme « novlangue », emprunté à George Orwell dans 1984, désigne à l’origine une langue appauvrie, conçue pour empêcher la pensée critique. Ici, on l’emploie de manière détournée pour parler d’un langage élitiste, souvent jargonneux, qui complexifie au lieu d’éclairer — et qui exclut plutôt qu’il ne rassemble.

« Une dépense kafkaïenne qui ne le concerne nullement »

Ces mots, ceux du journaliste made in TF1 Gilles Bouleau, sont adressés à Emmanuel Macron à l’occasion de l’émission Emmanuel Macron - Les défis de la France. Le contexte est d’un ennui mortel, mais le voici : Christian, commerçant parisien, s’exaspère de « crouler sous les taxes », notamment en raison d’une taxe « financement au dialogue social » de 150€. Il se plaint (surprenant), puisqu’il n’a pas de salariés et avec le nombre de grèves en France franchement, blablabla — gnagnagna. Classique.

Bref, cette expression « dépense kafkaïenne » d’un lyrisme désuet et inutile, mes parents n’auraient absolument aucune idée de quoi il s’agit. Déjà parce que mes parents, comme moi, sommes issus de la classe ouvrière. Et c’est là que j’ai tiqué. Aussi, parce que de nos jours presque plus personne ne sait qui est Kafka, sauf peut-être « ah oui, cet écrivain là » (l’un des plus glauques d’entre eux). Avec le contexte, on se doute éventuellement qu’il s’agit d’une dépense qui n’a aucune explication logique, est oppressive et absurde, tout comme le sont les oeuvres de notre cher Franz. Bon, intéressez-vous deux minutes à Kafka et son oeuvre pour comprendre à quel point Gilles Bouleau était un chouilla dramatique pour 150€. Les médias prétendent donc parler à tous, mais dans les faits, ils s’adressent souvent à une classe qui maîtrise les bons codes culturels, les bons mots, les bons concepts de manière très souvent involontaire.

Un vocabulaire excluant pour une grande partie de la population

Surtout, ça m’a renvoyé à mon arrivée dans l’univers des médias autour de 2017, en tant que rédacteur, aspirant journalistique (c’est légèrement parti en vrille depuis). Issu d’un milieu populaire, on m’a très rapidement fait remarquer ma méconnaissance des codes ou du vocabulaire. Signaux faibles, prospective, disruption, friction, pugilat, récit collectif, anthropocène… Sur le papier, ça fait sérieux. En réalité, ça n’a rien de bien compliqué. Mais ces petits mots sont-ils expliqués ? Jamais. 

Quand on ne comprend pas, on ose rarement dire quelque chose par ego ou pas peur. Je n’étais que stagiaire. Je me suis donc rapidement adapté, j’ai embrassé ces mots, ce langage douteux compris par quelques happy fews (premier franglais de l’article, on se retrouve au deuxième). Je me permettais parfois quelques remarques auprès des journalistes (puisque je relisais), leur signifiant un article inaccessible, illisible en raison d’abus de style ou de « show off » (manifestation de soi dénuée de toute trace de modestie, en franglais, franglais dont on parlera bientôt no worries). Rarement m’a-t-on répondu : « Tu as raison, j’abuse ». Ces mots, souvent compliqués pour n urien, m’ont ensuite suivis dans l’intégralité des médias pour lesquels j’ai bossé. Quelle exaspération. Alors oui, on ne va pas appauvrir la langue pour que les classes populaires nous comprennent. Mais lorsqu’il s’agit de l’interview du président de la République, excusez du peu. Bien sûr, certains journalistes font de véritables efforts de pédagogie, de clarté ou d’inclusion. Mais ils restent minoritaires, ou cantonnés à des formats dits « alternatifs ». Ce sont plutôt les médias dominants qui, sans y penser, continuent de parler entre eux.

Je suis convaincu que ce vocabulaire est l’une des raisons derrière la perte de confiance d’une partie de la population envers les médias, d’un certain sentiment d’exclusion, parmi tant d’autres. Parce qu’utiliser un vocabulaire précis dans des mondes fermés tels que la justice, le bâtiment, le marketing et la communication, pourquoi pas. On parle ici de politique et de dialogue social. Pourquoi Hugo Décrypte ? Hugo Clément ? Pourquoi les « solo journalistes » (qui ne sont jamais solo, précisons), les vulgarisateurs, gagnent du terrain dans le monde de l’information ? Pourquoi ce nouveau règne ? Parce qu’ils sont faciles à comprendre, parce qu’il est facile de s’y identifier, parce qu’ils sont proches de nous, sont nos égaux — ou nous font croire que.

Les politiques, eux, ont tout compris

Emmanuel Macron ne s’en cache plus : « Le carburant, c'est pas bibi. », « On met un pognon de dingue dans les minimas sociaux. », « Qu’ils viennent me chercher. », « Certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d’aller regarder s’ils peuvent avoir un poste. », « Ils n’ont qu’à traverser la rue »… Mélenchon, son envolée « La République, c’est moi » et ses références à la pop culture (manga, séries, films) non plus, et encore moins Marine Le Pen avec son vocabulaire accessible (école, sécurité, famille, retraite, frontières) et très émotionnel (peur, justice, trahison, bon sens)… Et pour ne pas tous les citer : François Hollande et son autodérision, sa présidence normale, Laurent Wauquiez et ses idées saugrenues et infaisables… Il y a de quoi faire si on y porte attention. J’ai cherché des petits mots popu chez Édouard Philippe ou Dominique de Villepin, pas encore trouvé — ça a l’air de leur réussir ?

Le contraste est tout cas frappant : les politiques feignent de tirer leur langue « vers le bas » alors que les journalistes la tirent « vers le haut ». Magiquement, ça ne réussit à aucun des deux systèmes. Mais les politiques ont l’intelligence d’osciller leur vocabulaire selon l’audience à laquelle ils s’adressent. Les journalistes, eux, ne semblent pas savoir à qui ils s’adressent, estiment s’adresser à tout le monde, mais ne s’adressent finalement qu’à eux-mêmes.

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